kandai_suika: (Default)
Kandai ([personal profile] kandai_suika) wrote2013-02-17 10:17 am

[fic] La Maison des morts (11)

Titre : La Maison des morts
Chapitres : 11/13
Auteur : [personal profile] kandai_suika
Fandom : Sherlock Holmes '09
Personnages/Couple : Sherlock Holmes/John Watson, John Watson/Mary Morstan
Genre : Angst, Dark.
Rating : PG-13
Disclaimer : Arthur Conan Doyle, Guy Ritchie
Warning : Mort de personnage canonique. Maladie terminale. Hallucinations. Tentative de suicide.

Note : Originellement posté en février 2013. Non relu.
Continuité : The Great Hiatus UA. Spoilers du deuxième film.
Taille : ~3,200

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Troisième Acte.

e x c é c r a b l e

Oui je veux vous aimer mais vous aimer à peine
Et mon mal est délicieux
Marie – Apollinaire, Alcools.

Novembre commence son règne sur des rideaux fermés.

Accoudée à la fenêtre qu’elle a laissée ouverte malgré le ciel grisâtre, Mary regarde sans surprise la silhouette bedonnante de Mycroft Holmes descendre de la voiture qui s’est arrêtée inopinément devant son perron impeccable. Il la sait seule et désœuvrée : l’heure est encore chétive mais John dort déjà, assommé par sa tisane vespérale qui engourdit son esprit fragile. Sans un mot superflu, elle devance la bonne et ouvre elle-même la porte qui grince sur ses gonds, une grimace sur le visage en guise d’accueil.

— Je ne vous attendais pas, Monsieur Holmes.

La vraie question réside ailleurs et aucun d’eux ne le sait : pourquoi maintenant, alors que tout semble toucher à sa fin ? Même l’automne meurt gracieusement autour d’eux et sans pitié, il emporte ses feuilles nécrosées dans les bourrasques des vents de l’Est.

Égal à lui-même, Mycroft entre sur le perron, offre son manteau à la femme de chambre et ne s’offusque pas de la froideur de la maîtresse de maison – comme si ce qu’elle disait en avait le pouvoir, vraiment. Un instant, il cherche le docteur Watson des yeux et il perd son regard sur les fauteuils vides, les napperons impeccables, les rideaux à moitié tirés sur des fenêtres pas tout à fait fermées.

— John se repose, indique Mary en guidant son invité vers le salon.

Évidemment, pense l’hôte avec un rien de dédain. Cela rend toutefois les choses beaucoup plus simples depuis qu’il a des nouvelles bien étonnantes à annoncer et aucune ne ferait du bien aux oreilles et à l’esprit du médecin, dont il connaît l’instabilité grandissante. Mary l’installe dans un fauteuil et s’affaire autour d’un thé tiède qu’elle sert sur la table basse dépourvue de napperon. Il en prend une gorgée par politesse ; elle s’en abstient, digne comme une reine dans son fauteuil framboise.

Elle attend et il prend son temps pour mettre en mot ce qu’il s’apprête à faire. C’est pour un plus grand bien, se répète-t-il en boucle alors que les mots qui sortent de sa bouche ont la douce amertume du mensonge.

— J’ai le devoir de vous annoncer, Madame Watson, que mon frère est toujours vivant.

Face à lui, Mary se contente de ciller sans surprise et c’est au tour de Mycroft de s’étonner de son silence presque pudique qui dévoile plus de choses qu’il n’en cache.

— Vous saviez, s’exclame-t-il dans un murmure choqué.

Que Mary Morstan sache, entre toutes les femmes !

— Je me doutais de quelque chose, rectifie-t-elle du ton de l’accusé qui confesse le plus odieux des crimes. Il a envoyé un paquet ici, il y a quelques semaines. J’ai pu l’intercepter avant que John –

Elle s’interrompt dans sa phrase, pensive et triste à la fois, avant de plonger sa main dans sa ceinture. Mycroft détourne les yeux tandis qu’elle extirpe des plis de ses vêtements un petit objet enveloppé dans un mouchoir. Elle l’observe un moment, une certaine tendresse gagnant son visage – comme si elle se rappelait des souvenirs d’une enfance heureuse et lointaine.

— Vous rappelez-vous ? Vous m’aviez dit que vous souffriez d’asthme et que vous vous en sépariez difficilement. Vous n’auriez jamais envoyé un tel cadeau si vous n’aviez pas une bonne raison de le faire. Et puis, je me suis souvenue…

La femme se tait de nouveau, découvre le précieux colis et révèle un éclat cuivré que Mycroft cherche des yeux depuis Reichenbach et dont il n’a su que trop tard le tragique sort que son frère lui a réservé.

Sherlock a toujours fait si peu de cas de ses affaires.

Bien sûr, songe Mycroft en toisant la réserve d’oxygène qui fait office de bijou dans les mains si blanches de Mary, il n’y a guère que Sherlock pour tenir à annoncer son retour de façon si théâtralement subtile. Quelle charmante attention pour le Docteur Watson, réellement.

A quoi son imbécile de frère joue-t-il, pour l’amour de Dieu ?

— Je l’ai cachée avant que John ne puisse la voir, avoue Mary comme une petite fille prise la main dans la confiture de groseilles. J’ai surveillé toute personne étrangère à notre quotidien qui était susceptible d’être… Vous le connaissez, il a un tel talent pour le déguisement…

— J’en suis conscient, déclare Mycroft avec froideur.

— Ne soyez pas en colère, le gronde-t-elle gentiment. J’imagine qu’il avait de bonnes raisons de rester caché si longtemps.

— Les raisons qui motivent mon frère sont généralement égoïstes et mues par des caprices que lui seul a eu la patience d’accepter jusqu’à ce que le Docteur Watson ne fasse irruption dans sa vie. Rassurez-vous, rien de bon ne peut sortir de tout cela, Madame Watson.

— Mary, Monsieur Holmes, appelez-moi Mary, le corrige-t-elle par automatisme.

Ils s’entre-regardent, rient un instant, les morts attachés à leurs ombres s’envolant par les fenêtres ouvertes. Puis les yeux de Mycroft tombent à nouveau sur l’objet métallique qu’embrassent les mains tremblantes de la femme encore jeune en habits de deuil sur son fauteuil d’un rose délavé et il sait que quelque chose ne tourne définitivement pas rond.

Le salon empeste de ces jolis bouquets de géraniums et de roses que l’on place dans les maisons pour couvrir la maladie qui ronge leur bois et font pourrir leur parquet.

— Mary, ma chère ?

Il a deviné dans son teint pâle et ses cernes fatigués, évidemment, il n’est pas stupide – et elle le sait, la pauvresse. Elle ravale des larmes dignes qu’elle garde pour la solitude et tend le précieux cylindre à son propriétaire d’origine. Il contemple l’objet un moment avant de darder son regard inquiet sur la jeune femme – elle est encore jeune et il n’est pas médecin, mais ce teint diaphane, cet infime tremblement des mains, cette acceptation désolée dans son regard, ce sont les gestes d’une mourante qui se sait en vie par quelque miracle accordé par la Providence.

— Vous êtes malade, Madame.

— Le malheur a ses favoris.

— … Cela ne vous sied guère, Mary.

— Il le faut bien, pourtant. John ne va pas mieux, répond-elle aussitôt, le regard perçant.

— Ce n’est pas du Docteur Watson que je m’inquiète, ma chère, la sermonne-t-il presque, consumé de regrets devant cet altruisme dont elle fait toujours preuve quand il s’agit de lui, ce dévouement envers son mari qu’il peine à comprendre.

John Watson n’est digne que de son mépris pour ne pas rendre à cette femme le quart de la dévotion dont elle fait preuve, pour vouer chaque minute de la passion malsaine qui l’anime à un homme supposé mort – cependant, et c’est là toute la beauté de ces paradoxes qui font la bassesse des hommes, il ne peut ressentir qu’une gratitude étrangement triste devant le fou qui dépose toutes les semaines des roses rouges sur la tombe vide de son frère.

— Vous devriez, réplique Mary jadis Morstan avec quelque chose qui ressemble à une condamnation au fond de la gorge. Il ne sert à rien de gaspiller de l’espoir pour les mourants et heureusement, John ne l’est pas encore.

Pas encore, dit la femme en noir d’un ton lugubre. Ces mots morbides ont les allures de ces mauvaises prophéties que confesserait une gitane des grands chemins, de la boue aux bottes et la main tendue dans l’espoir de recevoir quelques shillings de plus que ce qui était convenu. Mycroft renifle, les mains soudainement moites, et Mary fait grise mine, les mains en écrin devant ce tube de cuivre qui a des airs de Graal disparu.

Mais Mary Morstan n’est pas une reine volage prisonnière de ses propres amours ; au contraire, Mycroft tend à penser que l’armure aurait été davantage à son goût que les robes à fanfreluches dont elle se contente aujourd’hui. Le rôle de Guenièvre, s’il doit être attribué, sied peut-être mieux à l’homme qui se tord probablement de fièvre au-dessus d’eux.

Cela est bien ridicule, au final, car Watson n’est pas plus une épouse au destin tragique que Sherlock est un roi sans couronne – cependant, ce tableau aux coins ombrageux que son frère a peint sans le vouloir pourrait bien inspirer les légendes, un jour.

Oh oui, songe Mycroft avec dérision, on reparlera de Sherlock Holmes comme un héros romantique, aussi maudit qu’excentrique, et de ses amours torturées ; on reparlera de ce bon vieux docteur qui perdit la raison le jour où son plus fidèle et vaillant ami perdit la vie ; on reparlera de Mary Morstan comme de l’obstacle ultime, la dernière condamnation d’une passion interdite et tous la maudiront, cette femme magnifique qui a plus de courage que ces deux imbéciles réunis et qui fait face à la mort sans trembler.

— Mary… commence l’aîné des Holmes dans un élan d’affection et il ne sait soudainement plus quoi dire devant cette peinture fragile.

Elle le gratifie d’un sourire minuscule et lui tend la bonbonne qui luit doucement sous la lumière des lampes à huile, comme une offrande de paix. Il prend l’objet dans ses mains, s’étonne de sa lourdeur étrangère – mais après tout, c’est peut-être normal. Même les réserves d’oxygènes peuvent se sentir coupables de condamner à mort si rapidement.

— John ne devrait rien savoir. Rendez-la-lui, demande Mary avec une voix fatiguée.

Mycroft hausse un sourcil surpris et elle se fend d’un battement de cils mais renonce à expliquer ses volontés.

— Vous êtes un mystère, Madame.

— Je n’ai pas la prétention de porter un tel qualificatif, Monsieur Holmes. Je suis une femme de peu de secrets.

C’est presque exact car Mary née Morstan n’est pas une de ces femmes qui se complaisent dans les cachotteries et les rumeurs lancées derrière les rideaux et les éventails – néanmoins, il serait injuste d’affirmer qu’elle n’est pas extrêmement douée dans l’art de la dissimulation. Nul doute que son frère, s’il avait été présent, qualifierait avec dédain ce don de mesquinerie typiquement féminine mais Mycroft n’a aucune envie de ressembler à son vaurien de cadet en cet instant.

Pas alors que les actes inconsidérés de ce dernier ont fait tant de mal et qu’il n’ose même pas assumer pleinement les conséquences, préférant se cacher derrière des colis anonyme et des déguisements de fantaisie.

Mycroft soupire, fatigué. Il ne veut pas se sentir coupable de la situation dans laquelle son frère a plongé les Watson mais tout le monde s’accordera pour dire que ni le bon docteur, ni sa gentille épouse ne méritent leur sort.

— Il est parti, avance la femme avec une timidité inhabituelle. L’aîné des Holmes hoche la tête, pensif.

— La mort de Moriarty ne le mettait pas immédiatement hors de danger. Son réseau était immense, ses hommes de main dangereux et les deux années qu’il a passé à se cacher du monde, mon frère les a utilisée à démanteler le plus important réseau de crime organisé dans le monde. Vous n’avez pas tort d’affirmer qu’il avait ses raisons d’employer une telle mascarade mais j’ai peur que son objectif soit plutôt limité.

— Il n’aurait pas dû se taire, proteste Mary, visiblement blessée. John aurait gardé ses secrets.

— Il ne s’agit pas de loyauté, explique Mycroft comme à une enfant un peu trop simple, mais de théâtre. Votre mari n’est pas si bon comédien. Je mets déjà la vie de mon frère en danger en le contactant, croyez-vous vraiment que le docteur Watson aurait pu maintenir un chagrin sincère pendant si longtemps ? La supercherie aurait été découverte, tôt ou tard, et vous auriez été tous en danger de mort. Même vous.

— Oh, alors le grand Sherlock Holmes a fait semblant d’être mort pour me protéger. Quelle délicatesse de sa part, réplique Mary d’un ton grinçant qui lui fait grincer des dents.

— Vous étiez importante pour John et cela était une raison suffisante pour mon frère. Ce qui s’est passé après Reichenbach n’est pas sa faute seule. Personne n’aurait pu prévoir – il s’interrompt, abrupt et prend une autre gorgée pour se donner contenance. Se disputer avec Mary Watson ne l’amènerait nulle part, pas maintenant.

Le mordant dans sa voix dissuade la malade de répliquer et si elle tousse poliment dans son mouchoir, c’est comme pour se débarrasser d’une gêne inexistante.

— Où est-il, en ce moment ? demanda-t-elle avec une curiosité que Mycroft ne peut que justifier.

— Sur le continent. Je ne sais pas où exactement et ne tient pas à le savoir.

— Compte-t-il seulement revenir, une fois son entreprise terminée ?

— Je l’ignore.

— Pourquoi donc ?

— Je ne connais pas le pourquoi derrière tous ses gestes. Suis-je le gardien de mon frère ?

Mary pouffe dans ses mouchoirs tachés, balaye la question d’un revers de main et Mycroft ne peut que sourire froidement devant son épanchement. La citation ne convient pas tout à fait à leur histoire : il ferait un bien mauvais Caïn – pas assez jaloux, pas assez orgueilleux pour prendre le couteau et répandre les entrailles de son outrageant petit frère sur un autel sacrificiel. Pourtant, Sherlock a tout de l’Abel biblique à commencer par la jeunesse effrontée, cette espèce d’audace que les cadets aiment à montrer à leurs aînés.

Il n’empêche que – parfois, dans ses heures les plus sombres sur lesquelles il tourne un œil aveugle quand vient le moment de les contempler, il se demande à quoi ressemblerait le monde si Sherlock Holmes avait péri dans les eaux cruelles de Reichenbach.

Il se sent coupable de croire qu’il y aurait connu moins de malheur.

Mary a cessé de rire, troublée par son silence, et il se force à soupirer.

— Si tout se passe comme Sherlock l’a prévu, ses projets devraient toucher un terme au printemps. Quant à ses désirs de reprendre son ancienne vie ou même de rentrer à nouveau en contact avec le Docteur Watson…

— Il le faut, Mycroft, urge Mary, d’une voix soudain étouffée. Il faut qu’il revienne. Si je – le printemps, John ne peut pas –

— Mary ! s’écrie Mycroft, soudain empli de rage à la simple mention du Docteur.

Le sens de cette farce lui échappe et c’est insupportable. Il y a devant lui, cette femme malade – mourante, souffle sa conscience coupable – et au loin, perdu dans un monde impardonnable, son frère qui se teint les mains de vermeil pour l’âme de ce docteur qui délire à l’étage, perdu entre ses draps de coton et ses hallucinations. Mycroft ne veut pas comprendre les pourquoi cachés dans les lettres de Sherlock et le sourire triste de Mary.

Il ne comprend pas.

— Je l’aime, souffle-t-elle comme si cela justifiait tout.

— Cela vaut-il que vous passiez dans l’autre monde sans vous accorder la moindre pensée ? Que vous sacrifiiez vos derniers mois en lui pardonnant tout ? Il n’en vaut pas la peine !

Il est incapable de conjuguer le verbe « mourir » quand le sujet de la phrase se trouve être « Mary Watson ». C’est étrange et déplaisant à la fois mais l’amertume qui vient déformer ses traits de petite fille vaut bien tous ses faiblesses grammaticales.

— C’est ce que vous avez dit à votre frère, Mycroft Holmes ? John Watson n’en vaut pas la peine ? Était-ce seulement avant ou après qu’il ne se jette dans ces maudites chutes ?

Mycroft ferme ses paupières douloureuses, les dents grinçant sous le coup bas.

— Quand bien même je lui aurais tenu de tels propos à cette époque, il est fort peu probable qu’il m’aurait écouté. Sherlock n’a jamais été raisonnable quand il s’agissait du docteur.

— Je déteste votre frère, rétorque Mary – l’aveu n’a rien d’une nouveauté mais tombe à un moment si inattendu que Mycroft Holmes ne peut que se résoudre à se taire.

— Je le déteste parce que même mort, il a continué de hanter mon mari, d’occuper toutes ses pensées nuit et jour, au point de lui voler ce qui lui restait de raison. Je le déteste parce qu’il m’a volé un temps que j’aurais aimé partager avec John ; je le déteste parce qu’il a été lâche de ne pas oser prendre ce que John avait à offrir. Je le déteste parce que John l’a toujours porté dans son cœur, plus qu’il n’a jamais voulu l’admettre.

— Mais j’aime John, continue-t-elle avec la ferveur d’une sainte. Je l’ai assez aimé que pour ne pas protester quand il faisait passer son colocataire avant moi, que pour lui pardonner ses retards et ses explications bancales et quoi que vous en pensiez, quelles que soient les conclusions que vous ayez pu tirer de cette triste histoire, je sais que John m’a aimée aussi.

Le ton de Mary n’admet aucune réplique – non pas que Mycroft en trouvât une. Il n’a jamais douté de l’amour du docteur pour sa femme ou si peu, quand il connaît l’adoration de son propre frère pour le médecin. Cependant, John Watson paraît faire partie de ces étranges personnes qui aiment autant qu’ils sont aimés et il n’est personne pour avertir l’étrange triangle que les affections brûlent autant qu’elles gèlent.

— J’ai été heureuse avec lui, Mycroft, même si cela n’a pas duré longtemps. Voudriez-vous me dénier l’espoir de rendre mon époux aussi heureux qu’il m’a accordé de l’être, au moins pour le temps qu’il lui reste ?

L’interpellé reste silencieusement sombre, ses souvenirs plongés dans les yeux clairs de Mary, dans les traits tirés par la souffrance que son frère a toujours arboré à chaque mention du bon docteur. Elle soupire, tend ses doigts pâles et referme la main du gentleman sur le cylindre d’étain.

— Si ce n’est pas pour moi, faites-le pour lui.

Et elle le connaît définitivement trop bien car il n’y a rien qu’il ne ferait pas pour son frère.

Même si cela implique sauver ce qu’il reste de John Watson.

— Je ferais ce que je pourrais, Madame, déclare-t-il d’une voix bourrue en se levant brusquement de son siège.

Elle ne demande pas moins, en témoigne son silence quand elle le ramène sur son perron. Le ciel est assombri par la nuit imminente, en parfaite harmonie avec leurs humeurs sinistres. Il lui fait un baisemain qui dure une seconde de plus que ce que la bienséance leur accorde et promet de revenir la visiter, de se mettre à son service dès que la maladie réclamera son dû. Elle lui sourit tristement, promet d’attendre de meilleurs jours et ferme la fenêtre une fois la carriole au coin de la rue.

Les rideaux sont tirés et la maisonnée tombe dans un silence hébété, que seules viennent ponctuer ses visites toujours un peu plus courtes.

Les fenêtres resteront closes pendant tout un mois, comme autant de voiles de deuil qui entourent la maison de Cavendish Place à la fin de novembre. Étrangement, sur le chemin du cimetière, Mycroft se prendra à l’ironie du temps qui passe : l’automne meurt aussi doucement que ses filles, laissant des maris aux maisons vides et aux draps immobiles endurer seuls les frimas de l’hiver.

Il ne faut pas longtemps à John Watson pour pleurer un autre fantôme sur son fauteuil rosâtre.

Et quand Sherlock revient enfin, changé sous le faux nez et les passeports falsifiés qui lui sont chers, quand janvier n’est plus tout jeune, Mycroft craint que peut-être il ne soit trop tard.

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