![[personal profile]](https://www.dreamwidth.org/img/silk/identity/user.png)
![[personal profile]](https://www.dreamwidth.org/img/silk/identity/user.png)
Prompt : Différence de philosophie/moralités sur la vie pour
![[community profile]](https://www.dreamwidth.org/img/silk/identity/community.png)
you're part of a machine
you're not a human being
En général, Danny ignorait les demandes de Vlad Plasmius. Il avait appris à ses dépens que chaque élan de sincérité de la part du multimilliardaire cachait souvent un plan retors destiné à se venger de ses parents ou à entraîner Danny dans ses combines criminelles contre son gré. La plupart du temps, il se contentait de se battre lorsque Vlad devenait trop insistant ou de s’éclipser le plus loin possible sous sa forme fantomatique, en espérant que son vieil ennemi ne le suive pas.
Parfois, cependant, il y avait des exceptions.
— Daniel, s’il te plaît, il n’y a qu’à toi que je peux demander…
Vlad était un formidable adversaire. Cruel, retors, calculateur, toujours prêt à avoir le dernier mot… Danny avait affronté des dizaines de fantômes terrifiants, des entités directement façonnées dans le giron des peurs les plus noires de l’humanité, mais peu lui avaient donné autant de fil à retordre que son némésis. Il y avait peu de choses qu’il craignait davantage que la psyché de Vlad Plasmius : les créations de ce dernier en faisaient tragiquement partie.
Les monstruosités qui s’échappaient des laboratoires secrets de VladCo avaient tout de leur créateur, excepté la mesure. En général, elles laissaient derrière elles un sillage de destruction que même les meilleurs chasseurs de fantômes de la région avaient du mal à endiguer.
Lorsqu’ils parvinrent enfin à traquer la dernière abomination en date, la créature était à peine humaine.
Des rangées de dents interminables, une lueur folle dans l’œil gauche – l’autre avait fondu, ne laissant qu’une orbite creuse et verdâtre derrière lui, un trou béant qui laissait entrevoir des bribes d’os et des lambeaux de chair arrachée – des mains décharnées et dépourvues de peau d’où sortaient des nuages qui gelaient tout ce qui passait à sa portée, un thorax au milieu duquel des fissures putrides se formaient pour se refermer dans la minute… La créature, tout droit issue des cauchemars que Danny faisait lorsqu’il se sentait particulièrement vulnérable, ne s’exprimait qu’en gémissements plaintifs et cris perçants, cassant le verre et fissurant les briques partout où elle passait. Son corps traversait les murs et les plafonds, incapable de rester matériel plus de quelques secondes ; il ne lui faudrait pas longtemps avant qu’elle ne se coince dans un mur ou fasse exploser un immeuble.
Et il y aurait des blessés. Et ce serait leur responsabilité, leur faute – à Vlad et lui.
Danny ravala sa fierté et attaqua le premier.
Elle se défendit, bien sûr, mais contre deux halfa en pleine possession de leurs moyens et bien déterminés à faire équipe envers et contre tout, la partie était vite jouée. Bientôt, il n’en resta plus qu’une masse informe en train de se décomposer sur le sol d’une ruelle d’Amity Park, un tas de gelée liquéfiée d’où s’échappèrent quelques râles primitifs, presque des sanglots de douleur – avant de se taire à jamais.
Danny la contempla un moment sans rien dire, un poids inexplicable sur ses lèvres.
Ce n’était pas première fois qu’il se regardait mourir.
— Je pensais que tu avais arrêté de me cloner, Plasmius, hoqueta-t-il enfin. Ses dents s’étaient mises à claquer violemment dans l’espoir de contenir la bile qui lui brûlait la gorge ; ses yeux, quant à lui, semblaient collés au cadavre de la créature qui était en train de se liquéfier à la vitesse de la lumière dans une mare d’ectoplasme luisant.
Vlad s’agenouilla auprès de la flaque verdâtre et tira une minuscule éprouvette de sa manche. En silence, il collecta un échantillon des restes du clone et fit disparaître la fiole aussi vite qu’elle était apparue. Danny sentit ses propres mains trembler en réponse à l’indifférence de son ennemi ; il lui fallut un moment pour comprendre que ce n’était plus le dégoût ou la peur qui les animait.
Non, c’était la rage.
— Plasmius, répéta-t-il, sa gorge piquée comme si elle était assaillie par mille aiguilles.
— Que veux-tu que je te dise ? J’ai menti, Daniel, répondit Vlad, son regard rouge confrontant enfin celui de son cadet.
C’était à prévoir, évidemment. Ni Vlad ni Danny n’étaient particulièrement bons à ce petit jeu-là ; ils avaient tous les deux brisés des serments dans le but de se faire du mal l’un à l’autre, chacun convaincu d’avoir le droit de détruire la vie de son semblable. Peut-être était-ce parce qu’ils n’étaient que deux, seuls au monde, chacun terrifié de devenir un petit peu plus l’image de l’autre avec le temps qui passait.
Peut-être que ce n’était qu’une manière parmi tant d’autres de se sentir moins seuls.
— Le cas de Dani ne t’a rien appris, n’est-ce pas ? Tu vas continuer à répéter les mêmes erreurs jusqu’à la prochaine catastrophe ? cracha le jeune homme. Ses doigts fourmillaient, glacés par le désir de détruire quelque chose et si possible le visage coupable qui se tournait vers lui. Plasmius montra les dents mais ne répliqua pas – il savait qu’il ne gagnerait pas s’il le provoquait maintenant.
— Pourquoi cela t’importe-t-il autant ? répondit-il, faussement placide. Ce ne sont que des clones. Celui-là n’était même pas vraiment vivant.
— Des clones de moi ! Des parties de – ils auraient pu être comme Dani ! Cette chose qui s’est échappée aujourd’hui, elle aurait pu – ç’aurait pu être mon frère !
— Et pourtant, tu viens de la détruire !
Danny se tut, furieux. Vlad avait touché un point sensible et tous deux le savaient très bien : cela aurait dû lui faire quelque chose. Après son horrible vision du futur, après Dani et ses problèmes de stabilisation, après les prédictions de Clockwork et les promesses de Dan… tuer son propre clone aurait dû lui donner envie de vomir, de hurler, de crier à l’injustice.
Il ne ressentait rien de la rage et du désespoir qui l’avaient pris à la gorge lorsqu’il avait affronté le mal et découvert qu’il portait son propre visage. Rien sinon un profond et vicieux soulagement.
Cela le rendait malade.
— Pourquoi tu t’acharnes ? exigea de savoir le plus jeune en évitant la flaque d’ectoplasme du regard. Tu ne pourras jamais me contrôler et tu le sais. Ni Dani, ni moi, ni aucune autre des horreurs que tu fabriques en secret à partir de mon ADN – et n’essaies pas de me mentir encore une fois, je me doute qu’il y en a d’autres – aucune partie de moi ne se tiendra jamais volontairement à tes côtés. Je ne sais même pas ce que tu cherches à faire.
— Peut-être que ça ne te regarde pas.
— C’est moi que tu cherches à cloner, Plasmius ! explosa Danny. C’est mon corps qui vient de se dissoudre dans une mare d’ectoplasme parce que tu as décidé de te prendre pour Dieu ! S’il y a bien une personne à qui tu dois des explications, c’est moi !
— Eh bien, peut-être que je fais ça pour me sentir moins seul, grinça son adversaire, une lueur mauvaise dans les yeux. Peut-être que je fais ça parce que le seul halfa qui existe n’a jamais daigné me laisser une seconde chance. Peut-être que je fais ça parce ton estime m’est précieuse et que si je ne peux pas l’avoir, je me contenterai d’un mensonge. Tu y as seulement songé, Daniel ?
L’interpellé laissa échapper un rire. Ou un sanglot.
— Tu es seul, Plasmius, et c’est ta faute.
Vlad se détourna à son tour, accusant le coup. Autour d’eux, l’air s’était fait trouble, chargé d’une tension nouvelle, prise entre la glace de Fantôme et les rayons de Plasmius. Ce n’était pas la première fois qu’ils s’insultaient, qu’ils cherchaient à démolir leurs egos sans même se battre mais Danny n’était pas complètement idiot : il savait ce qu’il en avait coûté à son ennemi de lui révéler une part de son fardeau. Vlad était quelqu’un d’exceptionnellement fier – et tout aussi exceptionnellement seul. En temps normal, une part de lui aurait eu pitié du spectacle et serait partie sans demander son rester.
Mais il venait de se regarder mourir encore une fois et le semblant de sympathie qu’il avait pour son ennemi de toujours s’était dissous dans la même mare d’ectoplasme que ses yeux. Dans ses yeux.
— Est-ce que tu l’as embrassé, celui-là ? asséna-t-il comme un coup de poignard.
Vlad baissa la tête sans dire un mot, l’amertume glissant sur son expression comme de l’eau. Danny se surprit à esquisser un sourire torve ; s’il avait pu se regarder dans un miroir à ce moment-là, il se serait peut-être dit qu’il finirait un jour par ressembler à Dan.
Peut-être.
— La prochaine fois, Plasmius, rétorqua Fantôme en prenant son envol, ne m’appelle pas.