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[fic] Par le feu

Titre : Par le feu
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Warnings : violence explicite, mort de personnage, troubles mentaux
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Azula
« Tes yeux… »
Il y avait le silence. Il y avait la chaleur étouffante de l’été, qui se faisait encore plus ardente sous le passage de la comète mille fois maudite. Il y avait l’immobilité du temps, cette immobilité qui rendait les batailles encore plus grandioses et terribles qu’elles ne l’étaient déjà. Il y avait ce léger souffle de vent qui pressait le monde autour, qui rappelait à tous la réalité dans laquelle ils vivaient.
Et au centre de ce chaos contrôlé, deux flammes se battant l’une contre l’autre. Une bleue, l’autre rouge ; une fille, un garçon, en parfaite inversion, énergies opposées qui s’attiraient pour ensuite changer brusquement de polarité et se repousser. Comme des aimants inconstants, vacillant d’un pôle à l’autre, jamais en harmonie très longtemps, jamais en déséquilibre plus longtemps.
Ils étaient fils et fille du soleil, leur nature aussi vacillante que les flammes qu’ils créaient, leurs pouvoirs grandissant sous le feu qui embrasait le ciel.
Ils étaient frère et sœur de sang, aussi, et peut-être était justement pour ça qu’ils étaient en train de se battre à feu et à cendres, plus pour se prouver quelque chose à eux-mêmes que pour un titre vague dont ils n’étaient pas prêts à endosser les responsabilités, ni l’un ni l’autre.
Peut-être cherchaient-ils à nier ce lien de parenté, ce lien qui n’avait pas empêché de souhaiter la perte de l’autre, qui n’avait pas empêché leur séparation, qui n’avait pas réussi à effacer le fait qu’ils étaient des étrangers l’un pour l’autre, désormais.
C’était un constat effrayant à poser. Car il n’était rien de plus que cela, un constat.
Une vérité affreuse.
Azula ne le reconnaissait plus.
C’était un sentiment inconnu pour elle et cela l’effrayait. Elle l’avait connu mieux que personne pourtant, son bébé frère. Si tendre, si faible, un échec comparé à elle, le prodige et la fierté de la famille – de son père, mais depuis quand se souciait-elle de ce que sa mère pensait d’elle ? Enfant, elle avait connu l’enthousiasme qui frisait l’impatience, la voix si douce et le sourire perpétuel qu’il arborait. Elle avait observé avec une satisfaction malsaine, ses efforts acharnés pour être à la hauteur – hauteur qui avait fini par devenir sa hauteur, à elle – ses larmes que leur mère venait toujours finir par sécher – avait-elle jamais pleuré, elle ? Pleurer, c’était bon pour les faibles – ses yeux remplis de honte à chaque fois que leur père n’était pas satisfait et sa volonté de fer de toujours recommencer, alors que peut-être, peut-être la prochaine fois, leur père serait un peu plus fier de lui et qu’il se mettrait à l’aimer, peut-être…
Puis, il y avait eu l’Agni Kai, ce terrible Agni Kai – elle en entendait encore les cris de douleur dans de lointains rêves qu’elle refusait d’appeler cauchemars – et Zuko avait disparu de sa vie pendant presque trois ans.
Si loin d’elle, elle ne pouvait qu’imaginer ce qu’il devenait, pendant qu’elle, le prodige de la famille, obtenait l’estime tant convoitée de son père. Elle ne pouvait que se forger une image, à partir des bruits de la Cour du Seigneur du Feu et ce qu’elle entendait lui plaisait de plus en plus – même si elle dût attendre le jour de leurs retrouvailles pour se rendre pleinement compte du changement que ces trois ans passés en mer avait opéré sur son frère.
Elle n’avait pas été déçue… Agni, non.
Son naïf de frère était devenu un jeune homme amer, plein de rancœur et de hargne, avec pour seule obsession de retrouver son honneur perdu. Bref, exactement à la hauteur de ses espérances : le parfait jouet qu’elle pouvait manipuler sans craindre aucune menace de sa part – il était bien trop faible pour rivaliser avec elle – avec, en prime, la satisfaction de le voir impuissamment bouillir de rage et se tordre de douleur à chaque fois qu’elle s’amuserait à le briser puis à le regarder essayer de recoller les morceaux.
Cette volonté en acier qu’il possédait était d’autant plus amusante qu’elle était vaine. C’était elle qui menait toujours le jeu, elle avait toutes les cartes en main et si elle le voulait, elle aurait pu l’écraser sans le moindre effort. Mais elle ne le voulait pas. Cela aurait été trop frustrant. Elle préférait faire durer le jeu le plus longtemps possible, voir sa marionnette se relever pour mieux pouvoir la briser. C’était le plus amusant avec son frère, c’était qu’il se relevait toujours, peu importait le poids des chaînes qu’elle faisait peser sur lui et grands esprits, qu’elle l’aimait pour ça, pour être aussi facile à briser et en même temps si difficile à détruire complètement, qu’elle aimait jouer avec ce jouet trop fragile mais jamais assez…
Mais cet homme qui se tenait sans honte aucune devant elle, droit et fier, libéré de toutes les chaînes qui l’avaient jamais entravé, cet homme-là… elle ne le connaissait pas.
Ce n’était pas son bébé de frère si naïf et si concerné par ce qui se passait autour de lui, ce n’était pas son jouet préféré, ce n’était pas l’homme dont elle connaissait toutes les facettes et qu’elle avait appris à apprivoiser, petit à petit, à détester et à aimer, à sa façon.
Ce n’était pas Zuko. Pas le Zuko qu’elle connaissait, pas celui qu’il avait été, celui qu’il aurait dû être, oh, par Agni, que t’est-il arrivé ?
Que leur était-il arrivé ?
Il avait changé, son petit frère. Ils avaient changé, tous les deux.
Et ce simple fait la rendait folle de rage.
Où était-il, cette marionnette, cette victime éternelle qui finissait toujours par faire ce qu’elle voulait ? Où était son frère qu’elle méprisait tant, cet échec honteux, cette tache sur leur illustre famille ? Où était cette homme indestructible auquel elle s’était malgré tout attachée, qu’elle voulait garder à jamais à ses côtés, comme le plus précieux de ses trophées ? Où était la peur, où était la colère, où était le désespoir dans les gestes fluides et le regard brûlant de son adversaire ?
Un regard qui brillait avec plus de force qu’elle ne pensait en voir en lui.
Ce n’était pas son Zuko. Son Zuzu, son bébé de frère était faible, colérique, plein d’amertume et de rancœur avec le monde et c’était pourquoi il était si facile pour elle de le manipuler, parce qu’il était si faible, si prévisible,si en colère contre le monde entier…
L’homme qu’elle combattait n’avait rien de tout ça. Il n’y avait plus de colère en lui, juste une chaleur qu’elle ne connaissait pas. Elle ne le connaissait pas.
L’avait-elle jamais réellement connu, au fond ?
« C’est peut-être parce que tu ne connais pas les gens aussi bien que tu le crois. »
La ferme !
Rageuse, elle lui lança une nouvelle rafale de flammes bleues qu’il étouffa sous les siennes. Il ne prenait pas l’offensive, ne se mettait pas en colère, ne lui hurlait pas de défis ou d’insultes au visage comme son Zuko l’aurait fait. A la place, il se contentait d’être d’un calme presque effrayant et de lui renvoyer ses flammes, avec une puissance qu’elle ne lui soupçonnait pas avoir, avec une passion qu’elle ne lui connaissait pas.
La même passion qui lui fit ouvrir la bouche, dans une ultime provocation.
— Je n’ai pas droit aux éclairs aujourd’hui ?!
Des éclairs, rien que ça ? Il allait en avoir, des éclairs.
Azula exécuta le mouvement et esquissa un sourire mauvais. Puis, elle déplia son bras et envoya l’attaque… mais droit sur la fille de la Tribu de l’Eau sans défense qu’il avait eu la faiblesse d’accompagner.
« Méfie-toi du feu, car il est traître. »
Et bien sûr, son frère s’interposa, son calme envolé, ses traits se tordant pendant une brève seconde sous l’effet de la panique.
Une seconde fatale.
— NON !
L’éclair l’atteignit en plein cœur et elle le vit se replier sur lui-même sous la violence du coup avant de se détendre tout aussi violemment, ses bras tendus vers le ciel dans une ultime prière, rejetant l’énergie qui le dévorait de l’intérieur, menaçait de le réduire en cendres, parce que son feu à elle n’était que destruction et qu’il disparaîtrait s’il se laissait dominer par sa pratique tordue, il ne pouvait pas se le permettre, pas encore, pas encore…
Il s’effondra dans la cendre, avec un bruit mat, le corps tressaillant sous le choc du coup, la peau de la poitrine arrachée et brûlante, rouge, trop rouge pour que tout cela augure quelque chose de bon. Un spasme violent le secoua, le fit rouler sur le dos et elle capta l’espace d’une seconde, ses magnifiques yeux ambres agrandis par le choc, ces yeux si semblables aux siens qui semblaient la juger.
« Tes yeux ont la couleur du soleil. »
Puis les yeux se fermèrent et il ne bougea plus.
Azula avait envie de rire, de hurler sa joie, sa satisfaction d’avoir gagné une fois encore. Mais quelque chose clochait dans ce tableau, quelque chose l’empêchait de le faire. Zuko ne bougeait plus, n’essayait pas misérablement de se rebeller pour essayer de l’empêcher à nouveau de mettre ses plans à exécution – comme il avait toujours fait jusqu’à présent. Elle le regarda fixement, espérant un geste, une parole qui n’allait pas tarder à voler. Il allait se relever, non ? C’était Zuko, voyons. Zuko se relevait toujours. Cela lui prendrait juste un peu plus de temps, parce qu’elle l’avait frappé en plein cœur, avec un éclair au moment où la comète de Sozin était proche mais, sûrement cela ne pouvait pas…
Le tuer ?
Elle lui avait envoyé un éclair, au maximum de ses capacités qui étaient elles-mêmes décuplées par la comète de Sozin. Elle l’avait touché droit au cœur – d’ailleurs sa peau était presque noire à cet endroit. Objectivement, il y avait toutes les chances pour qu’il n’y survive pas. Mais il avait redirigé l’éclair, au dernier moment. Et un autre avait déjà survécu à cette attaque… L’Avatar.
Mais Zuko n’était pas l’Avatar. Zuko était un traître de la Nation du feu, naïf, faible, un perpétuel échec aux yeux de son père et une gêne à ses yeux à elle. Un moins-que-rien qu’elle pouvait écraser quand elle le voulait, une mouche qui se débattait dans ses fils.
Zuko était son frère.
Elle ne sentit même pas l’eau de la fille la repousser avec violence, l’enserrer, la réduire à l’impuissance. Elle ne sentit pas le métal enserrer ses mains. L’eau éteignait son feu, empêchant toute maîtrise. La comète de Sozin était passée, la laissant étrangement fatiguée, la tête lourde et les yeux humides – mais c’était l’eau de ce maudit Maître de l’Eau, tout était de sa faute d’ailleurs.
Et Azula ne pouvait pas détacher ses yeux de la silhouette pâle, trop pâle qui gisait sur le sol, auprès de laquelle la fille s’activait, en pleurs et en cris. Elle était loin mais elle vit les yeux dorés – comme le soleil… étrange, elle n’y avait jamais fait réellement attention – s’ouvrir avec effort et les lèvres grisâtres s’animer et Azula crut que tout cela n’était pas fini, qu’il y avait encore une chance pour que…
Les yeux et les lèvres se figèrent, dans un masque qui se voulait paisible, qui l’aurait peut-être été si cette brûlure, cette marque de honte et de haine, ultime vestige de la cruauté de leur Nation, n’avait pas existé.
Elle ne comprit pas.
Elle n’étendit pas le cri de la fille aux cheveux bruns. Elle ne vit pas le feu mourir dans les yeux de l’homme qu’elle venait d’abattre. Elle ne sentit pas l’émotion qui lui serra le cœur alors qu’elle regardait la fille fermer les yeux d’or, si dorés et si pleins de chaleur…
« Tes yeux ont la couleur du soleil. Je l’avais oublié. »
Tout ce qu’elle voyait, c’était le visage souriant et aimant de sa mère. Tout ce qu’elle entendait était sa voix chaude et douce, qui avait l’habitude de lui chanter des berceuses le soir, pour l’aider à s’endormir. Tout ce qu’elle sentait, c’était ses bras fragiles se nouer autour d’elle dans une étreinte qui l’étouffait plus que l’eau que la fille lui avait jeté au visage, aveuglée par la rage.
— Félicitations, ma petite chérie, tu as tué ton frère.
Prise à la gorge par l’horreur de la réalité, Azula se laissa aller à faire quelque chose qu’elle s’était jurée de ne jamais faire, au grand jamais.
Elle hurla.