kandai_suika: (magneto)
[personal profile] kandai_suika


Titre
: Turn back the pendulum
Auteur :[personal profile] kandai_suika
Fandom : Merlin (BBC)
Personnages/Couple : Uther(/Nimueh/Ygraine), Arthur/Merlin
Genre : angst
Rating : PG-13
Disclaimer : BBC
Warnings : mort de personnage.
 
Note : Originellement posté de janvier à juillet 2011. Non relu.
Continuité : Saison 4.
Taille : ~3300

[Chapitre précédent]


Et ce futur s’ouvre devant toi, dans les sanglots qui accompagnent le deuil,
Parce que la mort nous rappelle qu’elle œuvre avec le destin.
Dans cette aube encore tachée par l’ombre d’un père,
Laisse-moi guider tes rêves.
Jusqu’à ce que ce monde s’achève.
Laisse-moi guider tes rêves.


Ils avaient fait vœu de ne jamais plus étaler leurs propres secrets, feignant l’ignorance à chaque fois que leur pas se croisaient, que leurs yeux reconnaissaient la silhouette de l’autre – et qu’était-ce cet autre réellement à leurs yeux, ennemi ou allié ? Il n’y avait aucun mot pour définir les mots tacites qui passaient entre eux.

« Qui es-tu ? » semblaient-il dire, à chaque croisade. « Que représentes-tu pour moi ? Dans quelle mesure puis-je t’atteindre, exercer une quelconque influence sur ton pouvoir ? »

C’était devenu un rapport de forces, chacun tentant d’imposer son point de vue à l’autre, déterminé à ne pas flancher devant son adversaire – mais étaient-ils réellement adversaires, était-ce une compétition pour déterminer qui avait raison ?

Ou une guerre pour l’affection d’Arthur ?

Non.

Il y avait toujours eu « autre chose » dans leur lutte silencieuse. Une volonté plus forte qu’eux-mêmes de comprendre. De savoir pourquoi ils se retrouvaient là, luttant contre les épreuves que le sort leur imposait, luttant l’un contre l’autre, entre avenir et passé, entre deux tournants du Destin. Autour d’Arthur, inconsciemment devenu leur plateau de jeu préféré.

Les destinées étaient des choses si complexes.

Tic. Tac. Tic. Tac.

Le Pendule se balance.


— Pourquoi ?

— Pourquoi, quoi ?
(La voix de Merlin était si sèche.)

— Morgause a dit la vérité. Ne nie pas, je sais que tu le sais. Pourquoi avoir menti, à propos de la naissance d’Arthur, alors ? Pourquoi l’avoir empêché de me tuer ? Qu’est-ce que cela t’apporte ? Rien. Je le sais. Alors, je veux comprendre, Merlin… Pourquoi ?!

(Un regard noir mais sans regrets. Un murmure amer et des yeux fuyants.)

— Parce que sinon, vous auriez gagné.

(Peut-être n’était-ce qu’un jeu, après tout.)


Mais il y avait des épreuves dont on ne se relevait pas.

Souvent, elles sont celles qui vous envoient à terre alors que vous commenciez à peine à revivre, à laisser vos vieux démons dans vos cauchemars et à partager le poids du passé, pour mieux appréhender l’avenir. Et alors qu’on commence à reprendre goût à l’apparente simplicité de la vie – parce que la vie n’est jamais réellement simple, même lorsqu’on est tout disposé à le croire – vous tombe dessus quelque chose que vous n’avez vu venir de nulle part, que vous n’attendiez tout simplement pas. Et vous voilà à terre, de nouveau, vos efforts gaspillés et la rage au cœur, l’envie de se révolter contre ce destin injuste – pourquoi, qu’ai-je encore fait pour mériter ça ?!

A la fin, cette envie de révolte disparaîtra elle aussi et seulement viendra le néant que provoque la douleur. Alors, vous tenterez de comprendre, de retrouver la force de vous battre contre ce nouveau malheur qui vous est tombé dessus quand soudain, dans les limbes de votre esprit que la vie a consciencieusement mis en pièces, un bruit fera écho dans votre mémoire.

Le bruit de la mort qui s’avance.

Tic. Tac. Tic. Tac.

Pour la première fois, vous pouvez presque entendre le ricanement étouffé du Destin qui vient réclamer incessamment son dû.

Le pendule se balance.

Cette épreuve est la dernière.


— Vous me demandez, à moi, qui représente ce que vous haïssez plus que tout au monde, d’utiliser la magie pour sauver Morgana – votre fille ? (L’expression du jeune homme serait presque comique si ce n’était la présence des yeux dorés, rempli d’un pouvoir immense et menaçant de rompre à tout instant.)

— Merlin… Je sais que… je n’ai pas le droit mais… c’est ma fille. Je t’en prie, je t’en supplie…

— Vous n’avez aucun droit de me demander ça ! Aucun ! Vous n’êtes un immonde hypocrite qui n’hésite pas à tuer des innocents mais qui vient me supplier à genoux de sauver une vie ! Votre fille illégitime ! Que penseraient-elles de vous, Uther ? Ygraine, Nimueh… Vous les aimiez ! Je l’ai vu ! Comment… comment pouvez-vous les trahir ainsi ?

— Tu… Tu as sauvé Arthur, pourtant… Tant de fois ! Pourquoi… Pourquoi pas Morgana… ?

— Arthur…
(Le visage de Merlin se ferma.) Il y a longtemps que j’ai cessé d’espérer en votre famille et vous venez de me prouver que j’avais eu raison. Arthur est tout ce qu’il me reste, désormais.

— Justement. Tu sais que ça le détruira… Ca nous détruira tous. Tu es le seul… Merlin, je t’en prie. Si tu ne le fais pas pour moi… fais-le pour lui.


(Des pas qui résonnèrent, des froissements de tissus. Une voix claire qui s’éleva, aussi froide que le métal.)

— Soit, pour Arthur. Mais ne vous avisez plus jamais de venir me demander de l’aide.


– Le Roi est mourant.

On lisait cette phrase sur toutes les lèvres du Royaume. Les mines étaient sombres et inquiètes, les mouvements lents, comme si on essayait de contenir la tragédie, les hommes buvaient plus que d’habitude, les femmes étaient silencieuses, les yeux de chacun se tournaient vers les hautes tours de Camelot, espérant voir un signe qui leur confirmerait ou infirmerait leurs craintes. Les gens, vêtus de noirs, se rassemblaient, allumaient des cierges, recommandaient l’âme du Roi à Dieu ou priaient au contraire pour que celui-ci épargnât leur souverain. On chuchotait, on murmurait à propos de chaque allée et venue – de celles de Gaius, qui était la plupart du temps au chevet du Roi, à celles des Chevaliers, qui étaient très souvent envoyés en mission pour tenter de rétablir l’ordre aux quatre coins du Royaume, certains bandits profitant du trouble dans lequel Logres était plongée pour semer le grabuge.

Le Prince Arthur se montrait peu en public, tâchant de faire bonne figure à chaque apparition – il ne convainquait personne, mais l’effort fut tout de même apprécié. En revanche, son serviteur Merlin, que le château entier connaissait au moins de nom, s’activait dans tous les coins, avec un air grave, presque solennel, que personne ne lui connaissait, sauf peut-être Gaius – mais ce dernier était trop occupé auprès du Roi pour prêter attention à son pupille.

Tous étaient occupés, mais personne ne soufflait mot.

Le Roi était mourant.

Quelque part, un pendule résonnait et son écho se propageait dans la pièce vide.

Tic. Tac. Tic. Tac.


— Nim… ? Nimueh ? C’est toi ? (La voix était fiévreuse, les yeux à moitié clos.)

— Non. Non, Votre Altesse. C’est moi, Merlin. Le valet du Prince Arthur… Arthur, votre fils. Vous vous rappelez d’Arthur ?

— Arthur ? Oui, je… Merlin ? Merlin. Oui, je me souviens… Je me souviens de toi. Je crois. Nimueh… Ma magicienne. Où est-elle ?

— Elle est…
(Une légère hésitation.) Euh… Avec la Reine Ygraine. Elles font une promenade dans la cour du château. Mais elles devraient revenir vous voir bientôt. (Le ton était triste, dégoulinant de pitié mais Uther avait déjà replongé dans son délire.)


Il aurait été simple de blâmer la magie, comme on le faisait d’habitude. De crier à la sorcellerie, d’organiser des battues pour retrouver des coupables – qu’ils le fussent réellement ou non, quelle importance quand il s’agissait de ces pourritures de sorciers ?! – pour ensuite, les brûler sur un bûcher. Mais tous, Arthur le premier, reconnaissaient là une voie lâche et facile de reporter le désarroi qu’ils ressentaient sur le premier venu. Cela ne résoudrait rien. Cela ne lui rendrait pas son père.

La trahison de Morgan Le Fay – car c’était ainsi que la Traîtresse se faisait appeler, désormais – avait été le coup fatal, porté à la santé mentale déjà instable de son père.

En quelques mois, le Prince héritier de Camelot avait vu son père sombrer dans la folie, puis dans l’apathie la plus totale. Il y avait bien eu quelques rares moments de lucidité où le Roi semblait se réveiller d’un long cauchemar et redécouvrir le monde avant de replonger dans des délires de plus en plus violents – délires que les potions de Gaius avaient pu calmer pendant un temps.

Arthur ignorait encore ce qui fut le pire à vivre – pour lui, comme pour son père.

Il allait le perdre. Il l’avait déjà perdu. L’avait-il seulement eu ? Il l’ignorait. Il ne savait plus. Tout était si confus et les gens attendaient tellement de lui – bien plus qu’il ne se sentait capable de donner. Tout ce dont il avait envie, c’était de se rouler en boule dans un coin, loin de tout et de tous, pour y pleurer jusqu’à ce que ses yeux soient desséchés. Il s’était autorisé à pleurer un peu, d’ailleurs, pendant que son père perdait progressivement pied avec la réalité, avant de se reprendre : le combat n’était pas encore fini, il y avait encore un espoir – auquel il ne croit plus depuis que Morgana est partie.

Sa trahison l’avait blessé, lui aussi, bien plus qu’il ne voulait laisser paraître. Cependant, il n’en parlait à personne – et personne ne voulait en parler : Guenièvre se refermait dès qu’on aborde le sujet, Léon prenait un air abattu et Merlin… Merlin lui lança ce regard étrange, mêlé de déception et de regret. Comme si quelque chose d’autre le perturbait dans cette histoire – Arthur ignorait quoi, et pour l’instant, s’en moquait, il avait d’autres priorités que les états d’âme de son serviteur…

Son père allait mourir.

Il s’était dit qu’il devait penser à autre chose. Par exemple, à l’avenir, au fardeau qui était sur le point d’être déposé sur ses épaules, aux changements qu’il avait envie de faire – pour le bien de son peuple – à la Table Ronde…

Il n’y parvenait pas. Il n’arrivait pas à focaliser son attention sur autre chose tant cette pensée l’obsédait, l’étouffait, le dévorait de l’intérieur et le laissait avec pour seul sentiment cette horreur confuse qui grandissait de seconde en seconde.

Son père allait mourir.

— Que dois-je faire ?! cria le Prince soudain en colère dans le vide qui l’entourait, frustré de ne pas entendre de réponse. Que suis-je censé faire, maintenant ? Tout le monde attend que je fasse… je ne sais pas ! Je ne sais plus ! Père, que feriez-vous, dans un moment pareil ?!

Qu’avait fait son père quand il était mourant lui-même, terrassé par la Bête Glapissante ?

— Rien.

Un frisson parcourut son échine alors qu’il se retournait vers celui qui avait eu l’audace de lui répondre, en entrant sans frapper dans ses quartiers – et contrairement à son habitude, il n’était ni jovial ni excessivement bruyant, non, il arborait plutôt le visage empli de sérieux qui précédait généralement une parole emplie de sagesse. Sauf qu’ici, ce n’était pas de sagesse dont il s’agissait. Ou si de sagesse il était question, Arthur était bien trop aveuglé par le choc et le chagrin pour la percevoir.

— Je te demande pardon ? parvint-il malgré tout à articuler, la colère commençant à poindre derrière son masque d’impassibilité.

S’il avait remarqué le ton dangereusement bas du Prince, Merlin choisit de l’ignorer et fit un pas vers Arthur, les yeux remplis de compassion – parce qu’il avait une idée de ce qu’endurait Arthur en ce moment même, il savait combien c’était douloureux de voir quelqu’un que l’on aime mourir. Ces derniers mois avaient été affreux pour son ami, il ne le savait que trop bien – et peut-être n’était-ce pas encore fini, peut-être que le pire était encore à venir…

— Vous ne pouvez rien faire de plus que ce que vous faites déjà, Arthur, répondit Merlin, prenant la voix calme que prennent souvent les plus âgés pour donner une leçon, voix qui eut pour seul effet de faire exploser le Prince, la colère prenant le pas sur le reste – se défouler sur n’importe quoi, n’importe qui, du moment que la douleur s’en va.

— Qu’est-ce que tu en sais, toi ?! Tu n’as jamais enduré ce que j’ai vécu, ces cinq derniers mois ! Est-ce que tu as une idée, la moindre, de ce que ça fait…

— Non, coupa le serviteur, toujours calme mais avec un ton ferme. Et je ne suis pas venu vous parler de ça, je suis là sur ordre de Gaius. Votre père s’est réveillé. Il vous réclame.

Toute colère disparut.

Tic. Tac. Tic. Tac.


— Mer… Merlin ? Est-ce toi ? (Sa gorge est sèche, aussi sèche que du parchemin.)

— C’est moi, Altesse. Vous vous sentez mieux ?! Désirez-vous quelque chose ? Peut-être que Gaius…

— Non. Pas Gaius. Ca ira. Je veux juste savoir comment va Camelot ? Comment va … Arthur ?

— Il s’en sort comme il le peut, mais il n’est pas seul. C’est juste… Vous êtes malade, sire. Il s’inquiète énormément pour vous. Tout le peuple fait de même. Ils prient tous pour votre rétablissement.

— Prier… cela sert-il à quelque chose ?


— Je n’en sais fichtre rien. (Merlin parle légèrement, comme s’il voulait le consoler, le rassurer sur son sort.) Mais qui suis-je pour savoir ? Tout est possible, quand il s’agit d’espoir.

— En as-tu ?

— Sire ?
(Incompréhension.)

— De l’espoir. (Un frémissement d’impatience, coupée par une toux sèche.) En as-tu ?

(Soupir.)

— Peut-être.


Uther allait mourir. Il le savait. Il l’avait su dès qu’il avait levé les yeux sur Morgana, sa fille, sa merveilleuse fille dont il était si fier, elle qui avait assumé avec un sang-froid horrifiant la haine qu’elle avait pour lui, le dégoût qu’elle avait de lui. Il était même sûr de l’avoir su bien avant, peut-être quand il avait appris la mort de Nimueh, quand le dernier lien qui ramenait encore son passé sombre à sa mémoire avait finalement disparu de ce monde.

Ou peut-être l’avait-il su, avait-il pris conscience de cette mortalité à l’heure incertaine quand il avait vu Arthur naître – Ygraine mourir.

Il ne savait plus. Tout était si confus, tout se mélangeait. Il avait vu Arthur partir pour une quête dans les Terres Périlleuses, à la recherche du trident du Roi Pêcheur, quelques heures plus tôt ; puis, Morgana était venue dans sa cellule – sa cellule ?! – lui cracher sa haine au visage mais il était pourtant persuadé d’avoir vu Ygraine cinq minutes plus tôt, enceinte jusque aux yeux et si souriante, si pleine de vie…

Allongé sur son lit royal, Uther expira avec difficulté, le front brûlant et les lèvres sèches, avant de fermer ses paupières trop lourdes. Il était de plus en plus épuisé… Non, même pas, il était mourant.

Il allait mourir. L’idée même le laissait sans souffle, paralysé par la peur naturelle que tous les humains ont de la mort. Sa vie lui apparaissait comme un miroir brisé dont les morceaux ne pouvaient se recoller naturellement – ils étaient trop petits, trop endommagés, trop éparpillés dans tous les sens pour qu’il se donne la peine de ramasser, de rassembler ces fragments de lui-même qui ne seraient plus jamais comme avant.

Comment était-ce, « avant » ? A quel « avant » pensait-il déjà ? Celui où c’était Ygraine, Nimueh et lui ? Celui où il était seul ? Celui avec Arthur et Morgana – et Gaius aussi, son ami de toujours qu’il avait cru entendre, il n’y avait pas trente secondes ? Avant Merlin ? Avant Merlin et Arthur ? Il ne savait plus.

Tic. Tac.

— Arthur… Arthur… appela-t-il faiblement, réalisant qu’il était beaucoup trop près de replonger dans son semi-délire permanent.

— Père, je suis là, chuchota la voix tant aimée – et tant détestée – de son fils unique, à ses oreilles.

Le souverain de Camelot ouvrit les yeux avec effort pour croiser le regard bleu et agité d’Arthur, agenouillé à son chevet et qui lui pressait la main avec révérence et insistance. Uther était malade mais il pouvait néanmoins distinguer les traits tendus et rongés par l’inquiétude du Prince Héritier.

« Non, plus un Prince mais un Roi. » pensa le père en lui, qui s’était gonflé de fierté et d’orgueil à la vue de l’homme que son fils était devenu. Tant de courage, d’abnégation, de passion… Le fils de son père, le fils de sa – de ses deux mères. Ygraine et Nimueh auraient été fières de lui, il était même certain qu’elles l’étaient déjà.

— Il sera merveilleux, n’est-ce pas ? souffla la voix radieuse d’Ygraine – elle lui avait annoncé qu’elle était enceinte ce jour-là – mais il la repoussa. Le passé reviendrait le hanter bien assez tôt, pour l’instant, il devait se concentrer sur le présent, sur l’avenir, sur Arthur, Arthur…

— Mon fils, oh, mon fils, mon merveilleux petit garçon, articula faiblement le souverain déchu, un mince sourire prenant place sur son visage.

Arthur ne retenait plus ses larmes. Il avait essayé mais il s’était retrouvé désarmé. Désemparé. Il ne s’était pas attendu à ça. Il avait essayé de ne s’attendre à rien, de ne rien espérer mais à présent, le blond se rendit compte à quel point il avait désiré entendre ces mots, entendre ce ton doux et plein de chaleur que son père n’avait vraiment jamais employé avec lui – c’était Morgana qui en obtenait le privilège mais Arthur n’avait pas compris pourquoi jusqu’à ce qu’elle expose son lignage.

« J’ignorais que vous m’aimiez autant, Père. » pensa le Prince, mi-soulagé d’en avoir eu la confirmation, mi-honteux d’en avoir douté.
Mais Uther délirait à moitié. Comment s’en vouloir de douter des mots qui sonnaient confus, comme si un voile avait été placé dessus ? Comment, après tant d’années à chercher la reconnaissance, l’affection chez son père, comment dès lors se blâmer de vouloir croire à ses mots tant attendus ?

Arthur se mordit les lèvres et pressa la main du Roi qu’il tenait captive contre son front, incapable de supporter plus longtemps les yeux enfiévrés et le sourire faible de son père. Lequel resta silencieux un moment, observant juste les épaules du plus jeune se soulever aux rythmes irréguliers des sanglots étouffés.

— Arthur, murmura Uther après un moment de silence. Arthur, j’ai besoin que… je voudrais…

— N’importe quoi. Je suis là, Père, dites juste…

— Mon fils… Ecoute-moi…

Tic. Tac. Tic. Tac.


— Est-ce que tu pries, Merlin ? (Gaius s’adresse à son pupille tout en murmures, à moitié absorbé par le visage crispé du Roi qui a replongé dans ses torpeurs infernales.)

— Un peu. Mais je n’y crois pas. Je connais la magie, les règles qu’elle impose à la nature et à la marche du monde. Et je vois le futur, de mieux en mieux. Le temps d’Arthur est proche. Nous sommes aux portes d’une nouvelle ère.

— Et toi ?

— Eh bien… Je suis à ses côtés. C’est tout ce qui m’importe.

— Sans doute.
(Un début de soupçon.) Mais pour combien de temps ?

(Un regard grave, une voix assurée, la peau pâle qui semble irradier dans la lumière du soleil couchant – et Gaius ne peut s’empêcher de penser que Merlin est magnifique quand il pense à Arthur, à leur futur, à la magie.)

— Jusqu’à ce que ce monde s’achève.


Les hommes ont tendance à oublier que la vie n’est pas un cadeau. C’est un emprunt, quelque chose que personne n’a rien fait pour mériter et comme tout emprunt, vient un jour où il faut rendre ce dont on a hérité, par hasard, presque par accident. Vient un jour où on vient, presque gentiment, vous tapoter l’épaule pour vous rappeler que cette vie n’est pas à vous et que maintenant, il faut la rendre à son propriétaire d’origine.

Vient un temps où il est bon de se souvenir que l’on est poussière, animée par un souffle inconnu qui peut nous quitter à son aise – et qui ne se prive pas pour le faire.

Et après, vient la mort.

Après un ultime balancement.

Tic. Tac. Tic…

Uther Pendragon, souverain de Camelot depuis un peu moins de trois décennies, presse de toutes ses forces sa main tremblante dans celle de son fils, qui ne prend même plus la peine d’essuyer les larmes qui coulent sur son visage blême.

Tac.


— Le Roi est mort.

Longue vie au Roi ! Longue vie au Roi Arthur !

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