[ficlet] Among Us: L'ennemi intérieur
Oct. 30th, 2023 09:27 pm![[personal profile]](https://www.dreamwidth.org/img/silk/identity/user.png)
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Prompt : Among Us + Imposteur, Coéquipier + Bas les masques ! pour
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Ses amis et coéquipiers commençaient vraiment à agacer Jaune et pourtant, ce n’était pas faute d’avoir cherché à les prévenir.
Il avait flairé l’entourloupe dès l’arrivée des nouveaux venus sur Mira HQ. Fraîchement débarqués par avion, sur ordre direct du Haut Commandement, Rouge et Blanche s’étaient fondus dans l’équipage de la station flottante comme s’ils en avaient toujours fait partie, exécutant leurs tâches respectives avec une efficacité exemplaire pendant les heures de travail et causant gaiement à qui voulait bien leur adresser la parole lors des soirées de fraternisation hebdomadaires imposées par Noir.
Même celui-ci semblait les apprécier, à sa manière, ce qui dépassait l’entendement de Jaune. Depuis qu’il avait repris le commandement de Mira HQ, Jaune ne l’avait jamais vu se mêler de prêt ou de loin à l’équipage en dehors de quelques moments épars et voilà qu’il se retrouvait à taper la discussion dans les couloirs avec Rouge ou à s’asseoir à côté de Blanche pendant les pauses repas.
— Il y a un truc pas net avec ces deux-là, je vous le dis, grommela le technicien en plantant un coup de fourchette rageur dans ses pommes de terre.
— Ça s’appelle « être aimable », Jaune, lui avait lancé Corail d’un ton cinglant. Tu devrais essayer, il paraît que c’est bon pour le teint.
Elle avait été retrouvée morte deux jours plus tard, son cadavre à moitié écrasé contre le tableau de bord du réacteur, tandis que les restes de Violette gisaient piteusement dans la pièce d’à côté. Elle avait été probablement attirée par les cris de sa camarade et s’était fait faucher au passage. Jaune avait tout de suite accusé Blanche et Rouge lorsque Noir avait convoqué tout le monde mais ces derniers soutenaient mordicus avoir passé leur matinée à arroser les plantes de la serre et avaient été lavés de tout soupçon, fautes de preuves.
— Ils se couvrent l’un et l’autre, c’est évident ! Il y a un conduit de ventilation qui mène directement au laboratoire depuis l’arrière de la serre ! siffla Jaune à l’oreille de son chef sitôt la réunion terminée. Noir se contenta de soupirer, pressant ses doigts contre la vision opaque de son scaphandre, comme si c’était Jaune le problème et non les deux meurtriers qui se baladaient dans la nature.
— Tu n’as aucune preuve de ce que tu avances.
— Ils débarquent en pleine nuit sans une explication et quelques semaines plus tard, on retrouve des cadavres ? Tu as entendu ce qui se passe ailleurs, non ? Ce sont des Imposteurs !
— Tout ce que j’ai entendu sont des rumeurs colportées par des ennemis du Haut Commandement, rien de plus.
— Pourquoi tu les protèges ?!
— Et toi, pourquoi tu les accuses ?
Jaune avait mis fin à la conversation mais trop tard ; leurs vociférations résonnés dans toute la cafétaria pendant des heures. L’équipage entier s’était ligué contre lui après cela, défendant à corps et à cris les Imposteurs, même lorsque de nouveaux cadavres avaient fini par être retrouvés dans le sillage de Rouge et Blanche.
Jaune avait beau pointer les faits du doigt, ébranler les excuses pathétiques que les suspects ne prenaient même plus la peine d’avancer, questionner et accuser à corps et à cris, chacune de ses tentatives échouait. Aucun de ses camarades ne semblaient vouloir voter pour les coupables évidents alors que Jaune devenait de plus en plus impopulaire auprès de ses anciens amis, gagnant même quelques votes au passage.
— C’est pour le principe, avait grogné Noir sans remords. Ils veulent juste que tu arrêtes d’accuser deux de nos camarades à tort et à travers.
— J’ai des preuves ! contra le technicien, furibond d’avoir été soupçonné là où Blanche s’en était tirée en toute impunité alors qu’il était évident qu’elle venait de sortir d’un conduit de ventilation.
— Des coïncidences malheureuses tout au plus ! Reste à ta place et garde profil bas, c’est tout ce qu’on te demande.
Jaune grinça les dents de rage mais le pistolet qui pendait à la ceinture de Noir le dissuada de poursuivre son éclat en public et de précipiter les coupables la tête la première dans le précipice. A quoi bon ? Il était seul, sans armes ni soutien, il se ferait mettre en pièces en quelques minutes. Il se rendait douloureusement compte qu’il ne s’en tirerait pas en appelant au vote, pas quand les Imposteurs semblaient avoir convaincu le reste de l’équipage de leur innocence. Exposer ses motivations au grand jour ne lui avait valu que des ennuis jusqu’ici ; le moment était venu d’œuvrer dans l’ombre jusqu’à ce que Mira HQ soit de nouveau en sécurité.
Alors Jaune patienta. Il ravala ses accusations avec amertume et s’isola des autres, gardant ses préoccupations et commentaires pour lui-même. Quelques soupçons pesèrent à nouveau sur lui mais il se savait irréprochable et ne manquait jamais de s’innocenter auprès de multiples membres de l’équipage. Si l’un des couteaux de boucher émoussés qui traînaient depuis belle lurette au fond de la réserve disparut au même moment… eh bien, ce n’était qu’une des innombrables malheureuses coïncidences qui faisaient le malheur de Mira HQ ces derniers temps, n’est-ce pas ?
Et si ledit couteau se retrouva planté dans le ventre de Blanche à un moment où elle s’était malencontreusement retrouvée seule au milieu du laboratoire – eh bien, ma foi, qui pourrait reprocher à Jaune d’avoir agi pour le bien commun ? A ce stade d’inaction, cela relevait presque de la légitime défense. L’équipage ne pouvait pas se permettre de perdre d’autres coéquipiers aux mains des Imposteurs et si Noir n’avait pas le cran d’agir, alors Jaune veillerait à ce que justice soit rendue… quitte à se salir les mains.
Ou à mourir.
Lorsque Rouge vint enfin le trouver, alors qu’il se terrait au fin fond de la réserve, il était fin prêt. Son couteau levé comme un bouclier face à lui, il siffla face à l’Imposteur et le défia d’un regard goguenard.
— Finissons-en ! cracha Jaune avec tout le mépris du monde.
La réaction de son ennemi le prit de court : au lieu de l’attaquer ou de s’enfuir dans les couloirs, Rouge se contenta de le toiser avant de découvrir une rangée de dents acérées comme des rasoirs, agrémenté d’une langue fourchue. Inhumaine.
— Finir ? ricana l’Imposteur d’une voix gutturale. Nous venons à peine de commencer, Jaune.
— Commencer quoi ?! s’énerva Jaune alors que ses mains devenaient de plus en plus moites. A nous exterminer ? Eh bien, c’est raté – je me suis occupé de ta semblable la dernière fois, je peux très bien recommencer !
— Je sais, susurra Rouge. Blanche avait de grands projets pour toi : elle pensait que tu ferais une excellente recrue. Je dois admettre ne pas l’avoir crue mais elle aura fini par avoir le dernier mot.
L’air se figea entre eux, devenant plus glacial que le vide intersidéral de l’espace.
— Que veux-tu dire ? exigea Jaune, toute animosité envolée. Sa voix résonnait étrangement à ses oreilles : elle lui paraissait creuse, éteinte, dépourvue de toute passion. Comme si elle appartenait à un autre.
Rouge se contenta d’éclater de rire.
— Les Coéquipiers ne tuent pas dans l’ombre comme tu l’as fait, Jaune. Ce n’est pas dans leur nature, révéla-t-il en refermant ses doigts sur le poignet de son opposant. Ils n’ont que l’avantage du nombre pour se débarrasser de nous avant qu’il ne soit trop tard : seuls contre nous, ils ne peuvent rien, même armés jusqu’aux dents. Tu as tué Blanche parce que tu es des nôtres, Jaune ; tu t’es fourvoyé trop longtemps dans les ténèbres.
Le goût amer qui avait envahi la bouche de Jaune se changea en métal. Tout son gosier lui faisait l’effet d’avoir avalé du mercure fondu – il connaissait ce goût pourtant, le goût de son propre sang, âpre et désagréable mais intrinsèquement familier. Lorsque le verre du scaphandre de Rouge toucha le sien, Jaune put voir son propre reflet danser dans celui de l’Imposteur : des dents pointues par dizaines, aussi tranchantes que des rasoirs, au milieu desquelles trônait une langue fendue en deux. Inhumaine.
Comme Jaune.
— Tu as retrouvé les tiens, mon frère, asséna Rouge, la voix remplie d’une chaleur nouvelle. Sois le bienvenu.