kandai_suika: (hatchling)
[personal profile] kandai_suika
Titre : Fin de règne
Auteur : [personal profile] kandai_suika
Fandom : Percy Jackson et les Olympiens
Personnages/Couple : Percy Jackson, Poséidon.
Genre : Angst, Drame.
Rating : PG-13
Disclaimer : Rick Riordan.
Warning : Mort de personnage secondaire (mentionnée).
Prompt : Percy Jackson + Percy, Poséidon + Haunt me then ! pour [personal profile] calimera62 .
 
Résumé : Un père, un fils et la fin du monde.
 
Note : Originellement posté en octobre 2023.
Continuité : AU de Le dernier olympien / The last Olympian.
Taille : ~2,800
 
 

et ça cogne, et ça saigne
et ça sent la fin de règne


New York n’avait pas changé d’un pouce en quatre ans.

Les gratte-ciels de la mégapole encadraient les rues bondées à la manière de haies taillant les chemins d’un jardin anglais ; touristes et locaux se pressaient sur les trottoirs tandis que les voitures se frôlaient à la moindre occasion, les yeux rivés sur leurs portables ou résolus à ne regarder que droit devant eux. Le vacarme turbulent de la ville couplé à la chaleur moite de l’été aurait agacé même le plus patient des hommes ; après avoir passé si longtemps dans l’obscurité et le silence, la vision était à la limite du supportable.

Et pourtant, il y avait quelque chose de familier dans ce spectacle à la limite de l’indécence. De chaleureux, presque.

Avance.

Percy ravala l’amertume qui lui grattait la gorge et reprit sa route, ignorant superbement les mortels qui s’écartaient instinctivement de son chemin. Rien ne servait de se formaliser de leur sort : dans quelques heures à peine, ils seraient morts.

Son ancien immeuble semblait avoir gagné en décrépitude avec le temps : les fissures dans les murs s’étaient multipliées, les taches de moisissure recouvraient les tapis et le plancher de certains paliers s’était mis dangereusement sous ses pieds. Il s’était presque attendu à croiser son beau-père dans le couloir, une cigarette au bec ou une bière à la main, mais une étiquette blanche du nom de "Collins" collée de travers sur la sonnette lui indiqua que Gabe Ugliano n’habitait plus dans leur ancien appartement.

L’idée lui fit serrer les poings de rage. La porte ne résista pas longtemps.

L’habitation était déserte, probablement délaissée par ses locataires le temps d’une soirée au restaurant ou d’une sortie au cinéma. Les nouveaux occupants n’avaient visiblement pas réussi à se débarrasser de l’odeur de cigare qui avait imprégné la moquette ou des taches de gras qui constellaient le plan de travail mais le résultat restait tout de même à mille lieues du taudis dans lequel il avait été forcé de grandir avec sa mère.

Sa mère…

Percy avait eu le temps de réfléchir, une fois plongé dans le noir. S’il fermait les yeux, il pouvait se souvenir de l’odeur de son shampoing à la vanille perçant à travers les effluves de cigarette de Gaby Pue-Grave, de la sensation des ses cheveux longs pressés contre sa joue, des taches de chocolat fondu dispersées sur son tablier. Ses yeux noisette et perclus de fatigue parvenaient toujours à sourire dans son souvenir.

Persée Jackson, avait-elle murmuré en lui caressant les cheveux, comme le fils de Zeus, celui qui terrassa la Gorgone et sauva Andromède d’un monstre marin. Persée, comme l’unique héros qui a un jour eu une fin heureuse. C’est tout ce que je souhaite pour toi, mon amour : de vivre une longue et heureuse vie.

Percy se demandait parfois si le Persée des mythes avait aimé sa mère. Si cette dernière l’avait baptisé avec les mêmes intentions que la sienne, avec l’espoir fervent qu’il puisse vivre vieux et prospère. S’il avait été prêt, comme lui, à traverser les Enfers dans l’espoir de l’arracher aux griffes injustes et cruelles de la mort.

Quelle importance ?

Aucune, probablement. Sally Jackson était morte depuis longtemps. La nouvelle de sa disparition n’avait même pas fait la une des journaux.

Le demi-dieu traça une ligne imaginaire sur la table en formica avant de lever les yeux vers l’horloge qui trônait insolemment sur le mur carrelé de la kitchenette. La plus petite aiguille avait entamé sa paresseuse course vers le chiffre onze, à peine perturbée par le rythme effréné de la trotteuse qui semblait s’affoler.

Dans un peu plus d’une heure, il aurait seize ans.

Et dans un peu plus d’une heure, le monde s’effondrerait.

Le demi-dieu soupira et ouvrit le frigo sur un coup de tête. Il piqua une canette de Coca-Cola qui trônait parmi les vivres, la décapsula d’un coup sec avant de franchir la pièce pour aller s’asseoir dans le canapé à moitié défoncé mais néanmoins confortable qui traînait au milieu du salon. Le rideau blanc qu’il avait déchiré avant de quitter ses frères d’armes reposait sur ses épaules tel une cape de fortune – ou un linceul mortuaire, au choix. Un écho presque prophétique bourdonnait contre ses tempes depuis le moment où il avait saisi le linge pour s’en envelopper : dans une heure, il pourrait devenir un héros ou un martyr.

Préserver ou céder sans retour.

Sans retour – et pourtant, il était revenu. Au milieu des vestiges de son ancienne vie, il s’était drapé de blanc, dans l’espoir de sauver ce qui pouvait encore l’être.

C’était ridicule. Ce n’était qu’un rideau blanc. Une promesse de non-agression.

Une requête.

Onze heures sonnèrent.

Percy ferma les yeux et reprit une gorgée de soda, appréciant le goût du sucre se déliant sur sa langue. Il savait qu’il n’aurait pas à attendre, que le temps leur était compté. Avant longtemps, le bruit des vagues se mit à résonner contre ses oreilles tandis qu’une odeur salée et humide envahissait l’appartement. Le jeune homme ouvrit les yeux et affronta pour la dernière fois le regard de son père.

Il avait attendu et redouté ce moment toute sa vie durant et pourtant, à quelques heures à peine de son choix ultime… Percy avait l’impression d’avoir perdu tous ses repères.

De flotter à la dérive.

Souviens-toi, Jackson.

Adossé contre le mur qui lui faisait face, Poséidon avait l’apparence d’un quadragénaire aux traits altiers et à la barbe finement taillée mais sans le panache insolent qui caractérisait si bien les Olympiens. Ses cheveux noirs étaient striés d’argentés, témoins vivants de l’état critique dans lequel le royaume sous-marin devait se trouver en ce moment ; ses traits étaient tirés par l’épreuve et la fatigue, comme s’il n’avait pas dormi depuis des mois. Il avait l’air de porter le poids de ses siècles comme un fardeau plus lourd que celui d’Atlas.

Mais ses yeux verts brillaient plus ardemment que jamais, trahissant la fureur et la passion de l’océan qui saignait et brûlait sous leurs pieds. Sa mère avait si souvent complimenté ses yeux quand il était jeune, soufflant contre son oreille qu’il les avait hérités de son père ainsi ses traits fiers, ses cheveux ébène et son sourire caustique.

Mais tu as surtout hérité de sa gentillesse, mon trésor, avait-elle continué, un lointain sourire aux lèvres alors qu’elle passait une main dans ses cheveux courts, les ébouriffant légèrement au passage. De son humour. De son désir de venir en aide aux autres lorsqu’il le fallait.

De sa colère.

Percy cilla, chassant d’un froncement de sourcils le souvenir déplaisant de l’autre voix. Face à lui, Poséidon le fixait toujours avec une intensité accrue, comme s’il cherchait à graver le moindre détail de son visage dans sa mémoire immortelle ou à le pulvériser sur place. Peut-être un peu des deux – il ne pouvait décemment pas lui en vouloir.

— Persée, avança-t-il d’un ton grave. Tu as l’air… en forme.

Sa voix était aussi profonde que les abysses mais pas dénuée de chaleur pour autant. Pendant une brève seconde, Percy eut l’impression que son âme elle-même reconnaissait le son, qu’il lui était aussi familier que le réflexe de respirer.

Mensonge.

— Merci, papa, répondit l’interpellé, sa voix rauque se cassant sur le mot comme une vague échouant sur la plage. Tu as l’air fatigué.

La bouche du dieu de la mer se tordit en une grimace tandis que ses yeux se défaisaient de tout leur chaleur, faisant plonger de quelques degrés la température ambiante.

— Le combat contre Océanos fait toujours rage à l’heure où nous parlons. Il est déterminé à raser Atlantis et tout le reste de mon royaume ; il ne reculera devant rien pour y parvenir.

— Je me souviens, fit Percy en réprimant un frisson. C’est un type horrible.

Sa rencontre avec le Titan de l’océan remontait à quelques mois et avait été aussi brève que désastreuse. Il en gardait quelques cicatrices vicieuses qui n’avaient jamais totalement réussi à guérir, malgré le nectar et l’eau de mer qu’il avait versée dessus.

— J’ignorais que tu l’avais rencontré, intervint Poséidon, son expression changeante se transformant en une moue que Percy ne reconnut pas. A-t-il dit quelque chose de particulier ? Une information, un indice quelconque sur ses plans de bataille ?

— Tu veux dire, à part la promesse de tout anéantir sur son passage et de ne laisser qu’un champ de ruines derrière lui ?

— Il s’agit d’une guerre, Percy ! gronda l’Olympien, de nouveau furieux. La colère, Percy savait composer avec : il y répondit comme il aurait répondu à Gaby Pue-Grave, en montrant les dents et crachant les mots comme s’ils étaient devenus acides.

— Tu penses que je ne suis pas au courant ? C’est moi qui l’ai déclarée, Père.

Le visage du dieu, si formel jusqu’ici, se décomposa. Quelque chose de douloureux passa dans ses yeux, aspirant tout le vert dans un tourbillon jusqu’à ce qu’il ne restât plus qu’une pupille noire, dilatée. La température chuta derechef : l’air qui reposait entre le père et le fils se condensa, laissant place à une fine buée qui les séparait aussi sûrement que la mer séparait les continents.

— Je n’ai rien oublié.

Mensonge.

Percy pressa ses lèvres les unes contre les autres, désarçonné. Il s’était préparé à la rage légendaire du dieu des océans et des tremblements de terre, au grondement des vagues et au fracas du sol ; il s’était préparé à essuyer la déception, les ordres, les insultes mais rien ne l’avait préparé à l’expression de chagrin pure qui émanait du visage de son père. On l’avait mis en garde contre le caractère imprévisible de l’océan mais jamais il n’avait pensé qu’il aurait pu être pris de court si aisément. Même désavoué et abandonné de tous, il avait toujours pu compter sur la mer pour être son refuge.

Même après le Tartare. Même après Orthys.

Même après Luke. Après Annabeth.

— Vraiment ? lâcha-t-il du bout des lèvres.

Poséidon fronça les sourcils. Le noir dans ses cheveux avait presque disparu pour laisser place à l’argenté ; ses traits s’étaient creusés, comme alourdis par le poids d’un immense chagrin.

— C’est mon anniversaire, demain. Dans… un peu moins d’une heure, j’aurais seize ans.

Et je serais mort.

Le reste de la phrase flotta dans le silence, si fort que tous deux l’entendirent. Le dieu de la mer secoua la tête avant de se fendre d’un petit sourire sans joie.

— Je sais. J’ai compté les jours.

Mensonge.

— A cause de la prophétie ? Celle qui annonce la destruction de l’Olympe ? La fin de ton règne ? La gorge de Percy était serrée, comme prise dans un étau. La dernière fois qu’il avait ressenti pareille sensation, sa peau avait bleui sous la marque des mains qui avaient cherché à l’étrangler – que son père puisse lui faire autant de mal avec de simples mots avait un caractère profondément injuste.

— Tu penses que c’est tout ce qui m’importe ? siffla Poséidon, la colère animant de nouveau son visage parfaitement symétrique. Si je pouvais t’ôter ce fardeau, je l’aurais fait sans hésiter. Je n’ai pas besoin d’une prophétie pour t’aimer, Percy. Je n’en ai jamais eu besoin.

Mensonge !

— Parce que tu m’aimes ? Tu m’as condamné à mort, Papa !

L’air se met à geler autour d’eux, la glace portant autant d’accusations que Percy n’aurait jamais le courage de verbaliser. J’avais six ans et tu as laissé ma mère se marier avec une ordure qui la battait pour essayer de me garder en vie ! J’avais douze ans et tu m’as laissé tomber dans le Tartare, sans que je puisse chercher à la sauver ! J’avais quatorze ans et j’ai vu ma meilleure amie mourir sous mes yeux parce qu’elle a refusé de suivre les Titans !

Je vais avoir seize ans et je vais mourir parce que tu m’aimes.

— Oh, Persée, se lamenta le dieu, des perles de glaces gouttant de ses yeux tandis que deux mains calleuses capturaient les joues de l’adolescent. Persée, Persée, mon fils, mon fils, mon garçon…

Percy cilla, soudain brutalement conscient que c’était la première fois que son père le touchait. La première fois qu’il le prenait dans ses bras, avec la délicatesse révérente de quelqu’un portant quelque chose de fragile. De précieux.

Reprends-toi, Jackson.

Il était là pour une raison, après tout.

— Tout n’est pas perdu, souffla l’adolescent en refoulant ses propres larmes. Tu ne peux rien faire pour moi mais tu peux peut-être sauver les océans. Peut-être même le reste des mortels.

Poséidon le fixa un long moment, interdit.

— Dépose les armes, récita Percy d’un ton détaché, presque monocorde. Retire-toi du combat, laisse les armées d’Océanos prendre le contrôle d’Atlantis, constitue-toi prisonnier de guerre. Je négocierai personnellement les termes de ta reddition avec le Seigneur des Titans.

— Percy, tu ne parles pas sérieusement.

— Cronos a besoin du corps d’un demi-dieu volontaire pour reprendre sa forme originelle. J’ai tué Ethan Nakamura avant qu’il puisse terminer le rituel et le reste de son armée est trop faible. Il n’acceptera personne d’autre que moi – il n’a pas d’autres options.

— Mon père est l’une des pires engeances que la Terre ait jamais engendré, siffla Poséidon, outré par l’idée même de négocier. Tu penses sincèrement que tu peux lui forcer la main ?

— Je le ferais jurer sur le Styx. C’est mon ultime choix, Papa – je ne peux pas préserver l’Olympe mais je peux te préserver, toi.

— Mon fils, tu ne saisis pas la portée de ce que tu me demandes …

— J’ai tout perdu avant même que cette guerre commence. J’ai perdu maman. J’ai perdu Grover, Luke, mes amis… J’ai perdu Annabeth. Je t’en prie, ne m’oblige pas à te perdre, toi aussi.

Pendant un long moment, père et fils s’observèrent dans l’étreinte glacée du silence, chacun s’abreuvant de la présence de l’autre. La forme de Poséidon changeait, reprenait des couleurs avant de se ternir, perdant et gagnant ses cheveux d’argents aussi rapidement qu’il gagnait des rides. Un doigt fripé passa sur la joue du jeune homme, caressant la cicatrice qu’Annabeth lui avait laissée du bout de l’ongle. Un coup de poignard manqué, sur Orthys – ou peut-être n’avait-elle pas eu le courage d’aller plus loin.

— Tu vas me laisser te perdre à la place ? Laisser le reste monde salir ton nom ? Te pleurer pour l’éternité, en forçant ton sacrifice à me priver de toi ?

— Tu m’as perdu dès le moment où je suis né, Papa, le corrigea doucement Percy. Le fils que tu aimais est mort en tombant dans le Tartare – tout ce qu’il reste de lui n’est un traître.

— Non, pas un traître, souffla Poséidon avec douleur. Un héros. Le plus grand de tous.

L’adolescent ferma les yeux, acceptant la tendresse paternelle avec le désespoir d’un assoiffé. Pour la première fois de sa vie, il se sentait reconnaissant face à l’injustice du monde.

Persée Jackson, ricana la voix du Titan dans sa tête. Il est l’heure.

— Reste avec moi ? demanda-t-il en agrippant la main qui lui touchait le visage.

— Toujours.


Lorsque les Collins rentrèrent enfin chez eux après une soirée improvisée chez des amis au cœur du Bronx – soirée dont personne ne se rappelait, d’ailleurs – ils constatèrent avec horreur que la porte de leur appartement avait été arrachée de ses gonds, laissant leur foyer à la merci de tous les curieux de passage. Fort heureusement, après une minutieuse inspection des lieux, les locataires constatèrent avec soulagement que rien n’avait été volé, à part une canette de soda à moitié remplie et laissée ouverte sur la table du salon. L’odeur de la cigarette froide et d’humidité permanente qui régnait sur les lieux avait cependant été remplacée par l’air frais du sel marin.

Autre bizarrerie : il avait fallu remplacer l’horloge de la cuisine. Elle était bloquée sur minuit moins vingt.

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